Interview express : regards d'ailleurs
TEMOIGNAGE EUROPEEN
Anne-Marie Even, ancienne présidente de
l'ADFE ( Association Démocratique des Français de l'Etranger ) à Varsovie, a été
le relais polonais durant la préparation du jumelage, jusqu'en octobre
2002.
Ayant quitté la Pologne en 2003 pour se réinstaller en France, elle a
conservé un très bon souvenir de Villard de Lans et revient souvent pour des
vacances ou des séjours occasionnels. Elle ne participe plus au jumelage, dont
le fonctionnement actuel lui semble éloigné des objectifs définis à l'origine et
de l'état d'esprit rassembleur qui y dominait.
" Au moment où la question de l'Europe élargie est
présente dans toute la presse, il est important d'apporter un témoignage sur des
démarches locales, qui à leur niveau contribue à la construction de l'Europe.
J'ai envie de parler de la mise en place d'un projet de jumelage qui s'est
concrétisé et qui a pour moi une valeur symbolique toute particulière, compte
tenu de ce qu'il met en jeu. Ce projet entre Villard de Lans et une commune du
Nord-Est de la Pologne pouvait dérouter, car avant-gardiste et novateur. Il a
pourtant mobilisé un éventail d'intervenants d'horizons tout à fait divers et
s'est finalisé avec succès. J'ai rencontré et découvert au travers du groupe de
travail municipal des personnes qui par leur écoute, leur volonté de voir leur
commune se développer, ont su venir à la rencontre de la Pologne, de ses élus,
de sa population. Ceci afin de mieux exploiter nos potentiels touristiques et
économiques respectifs. Je partage absolument cette démarche : le développement
touristique et économique passe par les communes et les échanges entre
populations. Les Polonais viendront chez nous à la découverte de ce qu'ils
pourront ensuite eux-mêmes faire chez eux. Aujourd'hui seuls 6% d'entre eux
partent en vacances à l'étranger mais ce pourcentage est appelé à augmenter. Ce
que le Plateau du Vercors peut proposer est séduisant : des infrastructures
performantes, un milieu rural qui rassure et sécurise ; on se sent un peu chez
soi mais on découvre un autre univers. Chaque Polonais a aujourd'hui encore des
racines rurales proches. Les hôtels des côtes bétonnées sont rarement leur
destination favorite. Pour le développement d'un tourisme plus proche de la
nature, les collectivités locales constituent des relais incontournables.
A
l'origine du projet, cette proximité des communes et de leurs habitants,
pourtant séparés par de longues distance et un niveau de développement inégal,
avait été comprise. "
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Juliette Cortes, 29 ans, est étudiante en sciences sociales et prépare un mémoire sur " la conception et mise en œuvre de projets culturels ". Jean-Christophe Arcos est chargé de mission culture au Conseil général de l'Oise. Rencontre et échange …
Jean-Christophe Arcos : La notion de
communication territoriale, c'est-à-dire de valorisation d'un territoire,
s'affiche de plus en plus comme une nécessité publique de premier plan. Comment
peut-elle s'articuler aux objectifs économiques d'une commune
?
Juliette Cortes : C'est vrai que, de plus en plus
fréquemment, les collectivités locales voient dans la dynamisation des activités
culturelles et sportives - en somme, les loisirs - un outil majeur pour leurs
ambitions économiques. Par exemple, et c'est particulièrement vrai pour une
commune comme Villard de Lans, l'exploitation du paysage, du potentiel
environnemental, est pourvoyeur d'emplois, notamment dans le secteur du
tourisme. Mais la diversification des démarches de développement touristique
semble une étape obligatoire ; n'oublions pas que la pratique sportive et la
fréquentation de lieux ou d'événements culturels vont de pair !
J-C.A
: Pourtant tout semble les éloigner, voire les opposer …
J.C
: Bien au contraire ! Si vous le voulez bien, remontons un peu le
temps. Dès que naissent les loisirs, dès que du temps libre est accordé, ce
temps doit être occupé. Dans les années 1930, les responsables politiques ont
pris la mesure du nouveau phénomène qu'est l'émergence de la culture de masse.
Issu de l'américanisation de notre mode de vie, permis par la diffusion
généralisée des moyens de communication, ainsi que par les congés payés, le
loisir, qu'il soit sportif ou culturel, est devenu un temps fort dans la
vie de chacun. Et l'on remarque vite, d'après les enquêtes du Ministère de
la culture, que les publics des théâtres ou des expositions et les personnes
pratiquant le sport sont souvent les mêmes. En réalité, c'est surtout la
possibilité d'échanger qui motive les loisirs : ceux-ci prennent alors des
chemins variés, mais participent toujours d'un élan vers
l'autre.
J-C.A : Comment les choix publics peuvent concerner
les loisirs ?
J.C : Tout d'abord il faut établir des liens
forts entre culture, tourisme et sport. Tout simplement parce que les touristes
ne sont pas monomaniaques. Bien entendu, tous les loisirs ne doivent pas se
réduire au tourisme : la population à l'année a souvent d'autres préoccupations,
d'autres envies, que les visiteurs. Néanmoins, la conservation du patrimoine,
bâti ou non, profite à tous et permet de restaurer ou de maintenir les liens
collectifs, autour d'une histoire forte. Puis, il ne faut pas oublier que l'une
des intentions - voire l'une des missions - qu'on affecte à la communication
territoriale, c'est aussi une impulsion économique : créer de l'emploi par la
culture n'est pas une utopie. Encore une fois, il ne s'agit pas que d'une
logique de communication, mais d'une histoire d'amour entre un lieu, ce qu'il
véhicule et ceux qui le
côtoient.